La religion au cinéma
Par Gilles BOTINEAU - 23 novembre 2009 - 5 commentaires
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Le Septième Art a toujours eu pour habitude de s'inspirer du Monde en général, de son Histoire, de ses peuples et de ses moeurs. Les religions ne font pas exception. Par définition, elles correspondent à un ensemble de rites, de croyances généralement théistes, composés de règles (éthiques ou pratiques), de récits, de symboles ou de dogmes adoptés comme conviction par une société, un groupe ou une simple personne. Dès lors, elles occupent une place essentielle, presque incontournable, dans la culture des différentes sociétés humaines. Généralement développées à partir d'une révélation, la plupart s'appuient principalement sur l'origine et le parcours d'un peuple, d'un prophète ou d'un sage enseignant un idéal de vie, donnant ainsi un sens à notre existence et nous aidant parfois dans le choix de la direction à prendre.
Cette semaine, à l'occasion de la sortie du nouveau film écrit et réalisé par Bruno Dumont, Hadewijch, nous avons choisi de revenir sur ce thème aussi universel qu'intemporel, en étudiant ses différentes représentations au sein du Septième Art.
La religion comme base « documentaire » ou inspiratrice
Une histoire constitue le coeur-même d'un film. Et les religions, quelles qu'elles soient, en regorgent. Le cinéma ne pouvait passer à côté de tels sujets, basés sur une (soi-disant) Vérité et permettant un travail de reconstitution particulièrement passionnant. Même s'il continue de diviser, La Passion du Christ, signé Mel Gibson, se présente comme une indéniable réussite, et ce, à différents niveaux. Au-delà de son extrême violence, le cinéaste conçoit avant tout une oeuvre au réalisme troublant. Lors de sa sortie, le Pape Jean-Paul II lui-même participa à la polémique en prenant parti et en signifiant très clairement « C'est comme ça que cela s'est passé ». Ses mots sont toutefois à prendre sur une seule partie du film. Il est vrai que La Passion du Christ met surtout l'accent sur la scène de torture du héros. De ce fait, le message d'Amour transmis par le Christ se trouve relégué au second plan. En ce sens, Gibson choisit de réaliser un film essentiellement axé sur la condamnation d'un homme et non sur son véritable parcours. Car le cinéaste se concentre principalement sur les Ecritures ainsi que sur les nombreuses oeuvres picturales relatant les faits. La Passion du Christ s'oriente donc davantage vers un hommage rendu directement à la religion chrétienne, pour s'éloigner finalement de la réalité historique (bien que Mel Gibson alla tout de même jusqu'à tourner l'ensemble de son oeuvre en araméen). A noter au passage que le jour de sortie du film fut le Mercredi des Cendres de l'année 2004, correspondant alors au début du Carême chez les catholiques.
Mais certaines religions, pour le moins bizarres et fantaisistes, peuvent tout aussi bien être à l'origine d'oeuvres beaucoup moins consistantes voire totalement ridicules. La scientologie est de celles-là. Voilà pourtant une religion qui ne manque pas d'adeptes, y compris dans le monde du show-business, puisqu'elle réunit ni plus ni moins que John Travolta, Tom Cruise, Juliette Lewis, Katie Holmes ou bien encore Isaac Hayes. Selon son fondateur, L. Ron Hubbard, Xenu, le dictateur de la Fédération Galactique, aurait déposé plusieurs milliards d'extraterrestres sur la planète Terre avant de les faire exploser par le biais de bombes à hydrogène. Les scientologues pensent depuis que l'essence de ces êtres venus d'ailleurs continuerait de s'agglomérer autour de l'Homme, entraînant alors moult problèmes spirituels. La scientologie a donc pour objectif de remplacer l'ignorance par la connaissance, les doutes par la certitude et la misère par le bonheur. En somme, la religion est ici censée faire un pont vers une vie meilleure. Basé sur un livre, conçu en trois volume et écrit par L. Ron Hubbard lui-même, Battlefield Earth a pour seul et unique raison de présenter les bases de ses croyances, aussi aberrantes soient-elles, discrètement agencées au sein d'une histoire dramatiquement ringarde, se déroulant dans un futur lointain. En l'an 3000, la Terre n'est plus qu'un désert, et l'homme une espèce en voie de disparition. Mille ans auparavant, les féroces Psychlos ont envahi notre planète, anéanti ses défenses, rasé ses villes et aboli ses institutions. Le chef de la sécurité des Psychlos, Terl, est un des personnages les plus redoutés de cette Terre barbare. Au milieu des Rocheuses vit un jeune et héroïque chasseur, Jonnie Goodboy Tyler, décidé à redonner espoir et dignité aux siens. Capturé, il rejoint la cohorte des esclaves de Terl. On y retrouve ainsi quelques valeurs prônées par l'Eglise de Scientologie, dont le fameux thème de l'amélioration et ce, même si dans ce film « l'action » prédomine sur la conscience. Au delà de ces quelques messages (déjà sans grand intérêt), Battlefield Earth se présente avant tout comme un très mauvais film de science-fiction et propose au final une publicité des plus négatives à la religion ayant servi de base au sujet.
Apports, dangers et dérives
Dans Hadewijch, Bruno Dumont aborde la religion comme une issue possible face à une absence totale de repères. Il suit le parcours de Céline, une jeune femme complètement paumée, fuyant ses origines bourgeoises pour se réfugier « dans les jupettes » de Dieu. Malgré son arrogance et son refus d'obéir à certaines règles, elle semble ainsi toutefois donner un sens à sa vie et trouver l'assurance nécessaire, enfermée dans un cocon. La religion s'apparente donc à un monde isolé du reste, ici sous la forme d'un couvent, protégé des horreurs et des dangers extérieurs. En d'autres termes, une force invisible qui vous tend la main... La principale réussite du film repose sur la performance aussi extraordinaire que bouleversante de la comédienne Julie Sokolowski. Issue de nulle part, les traits fins, le regard naïf et la silhouette fragile, elle incarne avec perfection, douceur et naturel, le personnage principal, ne vivant que pour Dieu. Mais le film de Bruno Dumont creuse son sujet et met aussi l'accent sur les limites que peuvent engendrer une telle religion. Rejetée du couvent, le retour de Céline dans le monde réel n'en sera que plus difficile pour elle. En effet, sa croyance divine se rapproche progressivement d'un fanatisme extrémiste, et ce, suite à de malheureuses rencontres. Parmi elles, deux jeunes de banlieue, d'origine musulmane. L'un tombe sous son charme, l'autre, plus âgé, lui sert de guide. Bien que réintégrée dans la société, l'héroïne continue de vivre enfermée, au sens métaphorique. Céline se refuse d'abord à tomber amoureuse. Puis elle ira jusqu'à mettre la vie d'autrui en danger, sans se rendre compte de ce qu'elle fait réellement. Le tout, donc, pour l'Amour de Dieu. La bêtise humaine dans toute sa splendeur...
La religion est également à l'origine de nombreux dérivés. Ainsi, certaines sectes n'hésitent pas à s'approprier l'origine de Dieu pour ensuite servir de gourous aux plus démunis, s'approprier leur richesse avant de les exécuter tout simplement. Gérard Jugnot traite le sujet avec un réel bonheur dans Fallait pas !. Jean Yanne et Martin Lamotte y incarnent deux escrocs prêts à tout pout dépouiller leurs victimes. Le premier se fait passer pour le propre fils du Seigneur et utilise le second comme sous-fifre, aussi doué pour la comptabilité que les meurtres de sang-froid. Plus odieux encore, Thierry Lhermitte interprète un gourou concurrent, spécialisé quant à lui dans les opérations chirurgicales. Il choisit alors ses victimes avec un soin extrême, profite de leur présence pour récupérer leurs organes sans aucune anesthésie et les revend enfin aux plus offrants. En somme, la religion abordée comme un commerce mais aussi comme une gigantesque publicité mensongère, du moins sans aucune preuve de garantie (la mort ne serait qu'une transition vers un autre lieu, une nouvelle existence).
La religion, prétexte à rire
Au cinéma, la religion est bien souvent victime de railleries et moqueries en tout genre, basées sur la tenue vestimentaire (notamment la robe des prêtres), également sur les « coutumes » et les règles générées. On ne compte plus le nombre d'exemples sur grand écran où un prêtre est ridiculisé, comme dans Le Petit baigneur (un homme de foi exécute sa messe à l'intérieur d'une église en ruines), ou bien encore dans Trafic d'influence qui nous présente l'image d'un prêtre égoïste (sous les traits d'Alain Chabat). Par ailleurs, beaucoup s'amusent à confronter l'homme d'Eglise face à différents interdits. Le plus célèbre, et le plus récurrent, reste sans nul doute le péché de chair. En effet, aucune relation n'est permise, qu'elle soit sexuelle ou même sentimentale. Certains se laissent pourtant tenter, comme dans Léon Morin prêtre, même si généralement la plupart résistent. Doté d'un Ange Gardien spécialisé dans la Tentation, le Père Tarain (A-I-N comme pain), du film réalisé par Jean-Marie Poiré Les Anges Gardiens, se retrouve très régulièrement en présence de créatures féminines, qui plus est en toutes petites tenues. Mais rien ne le fait sortir du droit chemin. Sa seule faute sera de lâcher prise face au péché de gourmandise, à cause d'un simple Paris-Brest. De la même façon, Gabriel Aghion, avec l'aide d'Eric-Emmanuel Schmidt, reprend les mêmes situations dans son adaptation de la célèbre pièce Le Libertin. Michel Serrault y incarne un évêque tout de rouge vêtu, cherchant coûte que coûte à détruire l'encyclopédie de Diderot. Mais le chemin se révèle parsemé d'embûches, entouré d'une nourriture surabondante et de corps dénudés. Un rôle qui n'est pas sans rappeler celui d'Otarius (dans Le Bon roi Dagobert signé Dino Risi), un prêtre sans aucune autorité, témoin des nombreux excès sexuels de son souverain.
Dans un tout autre genre, Le petit monde de Don Camillo présente un curé assez caractériel, une sorte de caricature à l'extrême de l'image qu'on peut s'en faire habituellement. Même s'il prêche un message d'Amour, de Paix et de Tolérance, il n'en demeure pas moins dur voire parfois extrêmement violent face aux ennemis de Dieu. Récemment, Jean-Marie Bigard reprit un concept quasi similaire dans Le Missionnaire, de Roger Delattre. Mais il ne se contente pas d'y raconter les mésaventures d'un truand déguisé en curé pour échapper à ses complices, puisque son propre frère, homme de foi, se retrouve quant à lui contraint d'infiltrer la Mafia... Cet échange de rôles, sans être vraiment original, permet cependant bon nombre de séquences hilarantes, parfois proches de l'irrévérence. Ainsi, le prêtre défroqué ira jusqu'à découvrir le plaisir du vice et de l'argent, de l'alcool et de la drogue. Les auteurs n'insistent pas outre mesure, mais la tentative apparaît déjà extrêmement jouissive, avant d'être hélas gâchée par un dénouement on ne peut plus prévisible. Dommage...